De nombreux fumeurs (ils sont environ 12 millions en France) exposent à la fumée leurs proches et leurs collègues de travail. Les effets néfastes sur la santé de ce tabagisme passif restent souvent sous-estimés alors qu’ils sont aujourd’hui bien connus. La question se pose d’ailleurs aussi pour le vapotage passif.

La fumée de cigarette contient jusqu’à 7 000 substances chimiques. Parmi elles, le benzo(a)pyrène, les amines aromatiques, les nitrosamines sont 3 des 69 cancérogènes avérés dans une cigarette. Le cyanure d’hydrogène endommage les voies respiratoires et rend les poumons vulnérables aux infections. Le monoxyde de carbone est défavorable à la santé cardio-vasculaire. L’acroléine est un irritant des yeux, du nez, de la gorge et des voies respiratoires. Sans parler du plomb, du mercure, de l’arsenic ou… du polonium 210, ce nec plus ultra des poisons radioactifs 250 000 fois plus toxique que le cyanure, et bien présent dans la fumée de tabac.

Tabagisme passif et maladies cardio-vasculaires

L’inhalation du monoxyde de carbone contenu dans la fumée de cigarette a non seulement pour effet de réduire la quantité d’oxygène dans le sang, ce qui altère le fonctionnement des muscles, mais favorise aussi la coagulation et l’inflammation des vaisseaux sanguins. Une conséquence potentielle est la formation de caillots et le déclenchement d’un infarctus, d’une phlébite ou d’un accident vasculaire cérébral. 1 à 7 heures d’exposition passive par semaine suffiraient à augmenter le risque d’infarctus de 24 %. Plus de 22 heures par semaine, et le risque augmenterait de 62 % ! Dès 2012, une étude avait fourni des preuves que les lois sur l’interdiction du tabac dans les lieux publics et au travail étaient suivies de moins d’hospitalisations et de décès dus aux maladies cardio-vasculaires et respiratoires. Une des hypothèses pour expliquer ce recul est que les interdictions du tabac dans les lieux publics protégeraient efficacement les non-fumeurs du tabagisme passif.

Tabagisme passif et cancers

Le cancer du poumon, première cause de décès par canceren France est, dans la majorité des cas, attribuable à la consommation de tabac. Mais environ 10 % des hommes et 30 à 40 % des femmes qui déclarent ce cancer n’ont jamais fumé. Un quart de ces patients devrait sa maladie à une exposition passive au tabac, ce qui représente environ 1 000 à 1 500 cas par an. Les autres cas restent un peu mystérieux, mais ils pourraient être dus à des anomalies génétiques spécifiques. Autre cancer, celui du sein. Il y a quelques années, une vaste étude analysant l’usage du tabac, la durée du tabagisme et les quantités consommées, ainsi que l’exposition passive familiale ou professionnelle, a confirmé que le tabagisme passif augmente presque autant le risque de cancer du sein qu’une consommation active : 10 % dans un cas, 16 % dans l’autre. Enfin, le tabagisme passif a aussi été associé au rare cancer des sinus de la face (1 % de tous les cancers).

Tabagisme passif et maladies de la sphère ORL

On s’en doute, le fait d’inhaler une fumée bourrée de composés chimiques nocifs n’est pas vraiment bénéfique pour la sphère ORL. Durant l’enfance et l’adolescence, oreilles, nez et gorge des jeunes fumeurs involontaires, soumis à la pratique de leurs parents, sont agressés de manière chronique. Le risque de bronchite et d’otite augmente proportionnellement à la durée d’exposition passive, tout comme le risque de devenir asthmatique ou de voir les symptômes d’un asthme s’aggraver. Une étude britannique portant sur 164 770 personnes a montré un lien mystérieux entre exposition à la fumée de tabac et risque accru de perte auditive…

Tabagisme passif et exposition au plomb

L’exposition chronique au plomb environnemental, même à des niveaux relativement faibles, perturbe les fonctions cognitives et motrices, cause des dommages au cerveau et aux organes, et favorise l’obésité. Le plomb n’est pas évacué par le corps mais s’accumule dans les os et le sang, ce qui est particulièrement nocif pour les jeunes enfants en cours de développement. Or, selon une étude récente, l’exposition passive à la fumée de cigarette pourrait être une source importante, mais jusqu’à présent négligée, d’exposition chronique au plomb chez les enfants et les adolescents.

Et le vapotage passif ?

De nombreuses données indiquent aujourd’hui que le vapotage n’est pas inoffensif. Tout comme la fumée de cigarette, la vapeur des cigarettes électroniques contient des milliers de substances (formaldéhyde, acroléine, plomb…), dont 106 méritent d’être étudiées en priorité selon l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses), en raison de leur toxicité connue. Comme pour la cigarette, certaines substances sont cancérogènes pour les poumons. Elles auraient elles aussi des effets respiratoires (avec un impact potentiel sur la prévalence de l’asthme) et une capacité à altérer notre système vasculaire. Au-delà de ces effets comparables à la fumée de cigarette, la vapeur possède des effets plus spécifiques. Elle peut notamment provoquer des lésions pulmonaires, dont le nombre de cas serait en augmentation de manière inédite, selon la microbiologiste Ilona Jaspers. Les scientifiques la suspectent enfin d’être associée à des risques de trouble de l’alimentation.

Si les cigarettes étaient inventées demain avec les connaissances actuelles, alerte le professeur de santé publique Simon Chapman, aucun gouvernement n’en autoriserait la vente, mais « c’est pourtant ce qui se passe aujourd’hui avec la vape ». Faut-il se méfier de cette alternative à la cigarette et de l’inhalation passive de ses vapeurs ? Certainement, d’après les études récentes, tout en ayant à l’esprit que la cigarette électronique a quand même l’avantage de réduire l’exposition aux toxiques du tabac, les aérosols qu’elle génère contenant moins de 1 % des toxiques retrouvés dans la fumée de cigarette, selon l’Institut Pasteur.

Il est bon de savoir que l’exposition répétée à ces substances est à éviter et que l’impression de ne pas y être confronté peut être trompeuse. Dans les espaces où se trouve un fumoir séparé, les systèmes de ventilation ne suffisent pas à éliminer les gaz toxiques de la fumée du tabac. Dans les lieux qui autorisent le vapotage, la saturation en substances toxiques peut être très importante. Ces substances se fixent aux objets, aux vêtements, aux murs, à l’intérieur des véhicules, aux cheveux, et sont relâchées pendant des semaines. Les résidus du tabagisme et du vapotage constituent alors une exposition tertiaire ou « ultra-passive » qui présentent un risque pour la santé des non-fumeurs, les nourrissons étant les plus exposés.

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Photo de Rubén Bagüés sur Unsplash