Avec l’âge, la production de testostérone diminue progressivement, de 1 à 2 % par an en moyenne chez les hommes à partir de trente ans environ. Vers la cinquantaine, la diminution entraîne de potentiels impacts physiologiques et psychologiques, que l’on a pris l‘habitude d’associer à l’andropause, alors que le lien entre ces deux phénomènes n’est pas évident. Quant à l’intérêt de l’apport de testostérone pour contrer les effets du processus inéluctable de vieillissement, il est loin d’être scientifiquement démontré.

La testostérone est une hormone sexuelle dite « masculine », ou androgène. Elle joue en effet un rôle crucial au stade embryonnaire, en stimulant la formation des organes sexuels masculins. A la puberté, elle déclenche la maturation des spermatozoïdes, l’apparition d’une pilosité faciale et la mue de la voix. Et, enfin, à l’âge adulte, elle maintient la vigueur sexuelle par une libido élevée et des capacités érectiles optimales. Bien que les niveaux de testostérone chez les femmes soient bien inférieurs à ceux des hommes, cette hormone, produite essentiellement dans les ovaires, leur est également indispensable. Elle participe, chez elles comme chez les hommes, à l’apparition de la pilosité sexuelle, au maintien de la masse musculaire et de la densité osseuse, à la production des globules rouges, au métabolisme, aux fonctions cognitives et à l’humeur. Chez les femmes aussi, la testostérone jouerait un rôle dans le désir sexuel et le plaisir. Certains chercheurs estiment même que le « French kiss » permettrait aux hommes de transférer la testostérone contenue dans leur salive à leur partenaire, afin de stimuler leur désir sexuel ! Les scientifiques restent partagés sur la question, et on ne peut évidemment réduire la sexualité à de simples effets hormonaux.

L’andropause n’est pas l’équivalent masculin de la ménopause

Le terme d’andropause prête à confusion, en raison de sa ressemblance avec celui de ménopause. Or, les situations ne sont pas similaires. A partir de trente ans, le taux de testostérone baisse de manière partielle, progressive et variable chez les hommes, sans entraîner de perte de fertilité, alors que les taux d’œstrogènes et de progestérone, les hormones sexuelles féminines, chutent brutalement et rapidement chez toutes les femmes pendant la phase de ménopause, jusqu’à l’arrêt définitif de leur sécrétion, signant la fin de leur fertilité.

Sur le plan sexuel, arrivé à la cinquantaine, un homme peut ressentir une dégradation de la libido et une difficulté à obtenir ou maintenir une érection. Plus généralement, il peut être sujet à des bouffées de chaleur, un manque de tonus, des troubles du sommeil, une irritabilité, voire un état dépressif. Mais tous ces symptômes ne sont pas propres à une baisse de testostérone et peuvent être causés par bien d’autres facteurs : obésité, diabète de type 2, maladies cardiovasculaires, dépression… Des hommes peuvent ressentir les symptômes d’andropause alors que leur taux de testostérone est jugé « normal ». En fait, on ne connait pas réellement à partir de quel taux de testostérone on peut parler de carence chez un homme d’âge mûr, tant ce taux varie d’un homme à l’autre. Bien qu’environ 20 à 40 % des hommes développent des symptômes d’andropause, le déficit de testostérone ne serait effectif que chez 2 à 5 % d’entre eux. L’andropause n’est d’ailleurs pas médicalement reconnue par les médecins, qui parlent de « syndrome de déficit en testostérone lié à l’âge ».

Médicament à base de testostérone : un traitement encadré, pas un anti-âge, ni un dopant

Moins de perte de masse musculaire, plus d’entrain et de vigueur sexuelle  ! Selon les firmes pharmaceutiques, la prise de testostérone permettrait de retarder le processus de vieillissement et de doper les performances physiques. Il y aurait du vrai si l’on en croit les récentes affaires de dopage… Mais si la testostérone comme cure antivieillissement rencontre un vif succès, notamment aux Etats-Unis, cette hormone reste interdite à la vente libre en France. Et pour cause. Elle n’est utile que pour améliorer la qualité de vie de ceux qui en manquent vraiment, et elle ne doit être utilisée que sous contrôle médical, dans des protocoles qui visent à remettre les dosages hormonaux à niveau – sans augmenter le niveau « normal ».

Seul un bilan de santé global, comprenant un questionnaire sur les habitudes de vie, un examen de la santé cardiovasculaire et des analyses sanguines, permet le dépistage et la confirmation que les symptômes du patient ne sont pas liés à une autre cause qu’un déficit hormonal. Dans ce cas, il existe des traitements par supplémentation de testostérone. Afin de limiter le mésusage de ces médicaments, seuls les urologues, les endocrinologues et les médecins spécialistes en médecine et biologie de la reproduction/andrologie peuvent prescrire ces médicaments dans le cadre du traitement des hypogonadismes masculins, c’est-à-dire un déficit en testostérone avec des symptômes associés et/ou une diminution de la production de spermatozoïdes. Un rapport récent préconise d’autoriser les médecins généralistes à primo-prescrire la testostérone, de manière à faciliter et sécuriser l’accès à l’hormonothérapie aux personnes trans, notamment aux femmes transgenres qui désirent changer de sexe et doivent prendre de la testostérone à vie.

« Quelqu’un a eu la malencontreuse idée de créer le concept d’andropause, qui ne fait que générer des diagnostics erronés et une utilisation inutile de la testostérone », déplore le docteur Hohl dans les lignes de BBC News. Or, seule une très faible proportion d’hommes d’âge mûr souffrant d’un véritable déficit de testostérone devrait pouvoir bénéficier d’un traitement. Facilement accessible sur certains sites de vente en ligne, hors du cadre d’une prescription médicale obligatoire, les utilisateurs de testostérone qui voudraient lutter contre le vieillissement ou doper leurs performances physiques s’exposent à des dangers : celui de consommer un produit dont la nature n’est pas vérifiée, et celui de s’exposer à des risques, notamment d’infarctus du myocarde et de maladies hépatiques, en augmentant artificiellement la quantité de testostérone dans l’organisme.

Empêcher le vieillissement relève, pour l’heure, de la science-fiction : aucune étude n’a démontré que l’élévation artificielle des taux de testostérone permettrait de « guérir » de ce processus naturel. Cependant, les débats scientifiques sur la manière dont la testostérone pourrait influencer les capacités cognitives (mémoire, attention, fonctions exécutives et vitesse de traitement de l’information), ses implications dans le système cardiovasculaire, ses liens avec la santé mentale, nous promettent des avancées rapides dans la connaissance de cette hormone, au-delà de son rôle traditionnellement associé à la sexualité.

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Texte : JC Moine / Ethnomédia 

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